Le modèle de l’entreprise citoyenne, face à la crise du Covid19.
Alors que la crise sanitaire, et maintenant économique, questionne sur notre modèle économique et sa nécessaire évolution pour » le monde d’après », ARCANEO invite Pascal Démurger, patron de la MAIF, à partager ses idées et son expérience face à la crise du Covid. Un point de départ pour élargir le sujet à toutes les entreprises.
Pascal DEMURGER milite ardemment pour une entreprise citoyenne et la mutuelle deviendra prochainement entreprise à mission.
Lors de son intervention du 2/06 pour ARCANEO, congrès HR, il explique ses convictions :
• Comment l’engagement sur le long terme à travers la raison d’être permet de réconcilier des intérêts a priori contradictoire entre les dimensions humaines et économiques.
• Il illustre le sujet à travers le management, un élément clef de l’entreprise.
• Puis revient sur la crise actuelle qui le conforte dans ses choix.
Au delà de l’exemple de la MAIF, quelles peuvent être les opportunités de cette crise sanitaire pour les entreprises et nos modèles économiques ?
L’entreprise citoyenne, performance financière et extra financière .
L’engagement de l’entreprise à mission est une vision à long terme qui guide les choix de gestion. Cette dimension permet la réconciliation des intérêts contradictoires entre l’entreprise et les salariés, entre l’entreprise et les clients.
Ainsi, en refusant de rémunérer à la prime ses commerciaux, la MAIF les encourage à prioriser l’intérêt du client et sur le long terme, cela se traduit par une fidélisation plus forte liée à la satisfaction d’être pris en compte correctement.
Au risque de la caricature, du côté des salariés dont l’intérêt premier est le salaire alors que l’entreprise cherche son profit, la satisfaction de cette population à travers le respect, la confiance, le sens au travail et les éléments de rémunération, ont permis d’obtenir un fort engagement.
A ceux qui prétendent que devenir une entreprise à mission ressemble à une opération de communication, il oppose les contraintes de l’exercice qui devrait permettre d’éviter le mission-washing. Élaborer une raison d’être n’est évidemment pas la difficulté. En revanche la modification des statuts est un exercice moins évident qui passe par une AG. Danone va s’y confronter très prochainement et sera certainement observé avec attention. La définition des objectifs, les engagements précis, annuels, et leurs vérifications par un comité de suivi et un organisme indépendant, sanctionnent ensuite la réalité de l’exercice.
Chez MAIF, qui n’est pas encore une entreprise à mission, les indicateurs sont déjà là. Ils mesurent la satisfaction des quatre parties prenantes : l’épanouissement des collaborateurs, la satisfaction des clients, l’engagement sociétal, la performance économique.
Un management de l’attention à l’autre, avant tout
Le sens, un partage collectif et une déclinaison individuelle.
« Convaincus que seule une attention sincère portée à l’autre et au monde permet de garantir un réel mieux commun, nous la plaçons au cœur de chacun de nos engagements et de chacune de nos actions. C’est notre raison d’être. »
Concrètement, Pascal DEMURGER en donne les implications en terme de management. Celui-ci vise non pas l’efficacité opérationnelle mais exclusivement l’épanouissement des collaborateurs. Il s’agit de donner plus de sens à la mission de l’entreprise et de la décliner pour chacun.
La confiance, un élément clef du management.
Le rôle du manager est d’ « accorder plus de confiance, pour créer un climat avec plus de bienveillance, apporter de l’attention à chacun et moins de compétition. Le salarié est là pour apporter des solutions et non seulement dérouler des process. Le sens du travail associé à la possibilité d’agir dans un contexte positif apporte à la fois une hausse des résultats et de l’engagement. »
Le leadership est la capacité à entrainer le corps social, l’équipe. Pour créer une forte motivation, un contexte de confiance est nécessaire. Cela suppose pour le manager d’accepter de lâcher prise, de ne pas contrôler et de déléguer. La motivation et la dynamique collective en dépendent, et la performance en est le résultat concret.
Par ailleurs, la répartition de l’intéressement est uniforme, quel que soit le salaire, la contribution de chacun ayant la même importance.
La valeur sociale, créatrice de valeur économique
Cette posture d’attention à l’autre est la même vis-à-vis des clients ou vis-à-vis de l’impact de l’entreprise sur l’environnement. Et elle porte ses fruits à la MAIF.
Il ne s’agit pas d’un arbitrage entre éthique et économie. Au contraire, c’est d’être 100% éthique qui augmente la performance économique de l’entreprise. Car évidemment, la question de la pérennité de l’entreprise n’est pas remise en cause et Pascal DEMURGER le confirme, il en est bien le garant.
L’entreprise citoyenne face à la crise
Pascal DEMURGER aime à dire qu’il dirige avec des principes simples. Face à la crise sanitaire, deux principes ont prévalu :
• Donner la priorité absolue à la protection des salariés, protection physique et financière (travail à distance pour tous dès le 17/03 et maintien de 100% des salaires pour tous)
• Tirer un quelconque profit de cette crise est hors de question : d’où un certain nombre de mesures dont la décision de rembourser aux sociétaires leur prime d’assurance auto correspondant à la période ou leur véhicule était immobile du fait du confinement. Le soutien aux partenaires a aussi été un élément important.
Le résultat, un niveau d’adhésion et de soutien « incroyable » des salariés, fiers de travailler pour la MAIF, ainsi que des partenaires sociaux.
En termes de management, la crise accentue la nécessité de prêter attention à l’autre du fait de la prise de conscience de notre vulnérabilité. Pour le manager cela signifie prendre encore plus soin, être plus présent, être attentif à l’autre. Plus on est loin physiquement et notamment dans le cadre du télétravail, plus il faut être présent. La dimension humaine est véritablement essentielle.
Cette crise conforte Pascal DEMURGER dans son modèle d’entreprise engagée. Pendant un temps, les priorités ont été inversées. L’économie était au service de l’homme « quoiqu’il en coûte » selon les mots du président Macron.
Inspirer confiance n’est pas aisé au début et nécessite de la patience. Provoquer l’adhésion sur un modèle inhabituel, cela se nourrit peu à peu des résultats. Aujourd’hui les résultats sont là et la crise conforte plus encore, ce choix d’engagement citoyen.
Le temps du changement ?
La dimension extra-financière des entreprises, facteur de résistance dans la crise
Alors qu’une majorité de citoyens appellent à une prise en compte de l’urgence écologique et de la dimension humaine par les entreprises et les marques, il s’avère que les entreprises qui ont mieux résisté au choc économique et financier induit pas la crise sanitaire, sont celles qui ont de meilleures notations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) . Ceci valide la nécessité d’intégrer l’analyse extra-financière dans l’évaluation des sociétés.
La RSE appelée à se développer
Surtout, l’expérience donne toute sa légitimité à la RSE (responsabilité sociétale d’entreprise) et l’appelle à se développer.
En France, la Plateforme RSE prend position et lance un appel : passer de la « parole aux actes ». Cette plateforme est l’instance de concertation sur la responsabilité sociétale des entreprises placée sous l’égide du Premier ministre. Elle regroupe des acteurs diversifiés : ONG, patrons, élus, chercheurs, experts et syndicats.
De son côté, Danone se dit prêt à devenir la première « entreprise à mission » du CAC40. Un géant agroalimentaire qui propose à ses actionnaires de devenir une société à mission, cela surprend…et les esprits suspicieux de vite soupçonner une opération de communication. Pourtant, si l’AG du 26 Juin accepte la proposition, le groupe renforcera bel et bien ses engagements sociaux et environnementaux.
Le temps de l’engagement et du sens
N’oublions pas et saluons les entreprises de toutes tailles, startup, TPE, PME, ETI qui œuvrent déjà en mettant au centre de leurs décisions de gestion, leur responsabilité sociétale et environnementale, sans toujours avoir une raison d’être clairement communiquée, qui la vivent avant de la clarifier. Nombreux ont été les exemples de générosité, de solidarité, de créativité, pendant la crise sanitaire autant au niveau citoyen qu’au sein des entreprises, montrant que la crise de l’engagement qui faisait couler beaucoup d’encre il y a quelques mois, pouvait être vite balayée.
Notre monde ébranlé par l’épidémie de Covid-19, appelle le changement. Les élans de solidarité et de créativité apparus pendant la crise ont réveillé l’espoir de la possibilité d’un monde meilleur. C’est peut-être le sens de cette épreuve terrible.
Nourrissons-nous des exemples positifs, cultivons les valeurs que nous voulons conserver de cette épreuve pour avoir le courage des transformations qui construiront un futur durable.
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Coach professionnel certifié RNCP, Consultante en stratégie et communication des organisations.
Sophie Courtant aide les organisations à créer un trait d’union entre leurs valeurs et celles des individus, membres de leurs écosystèmes.