Les DRH du Cercle de l’Excellence RH et du Mouvement Génération RH contribuent aux réflexions stratégiques qui animent la sphère RH en ce début d’année, après bientôt un an de télétravail contraint. Les membres du bureau des deux clubs ont dégagé douze priorités pour 2021, soumises par sondage aux membres RH&M pour être hiérarchisées. En parallèle, une série de webinaires collaboratifs a été organisée pour partager les expériences et réfléchir ensemble. Voici les priorités, très interdépendantes, qui se dégagent des travaux menés.
1. L’organisation du travail
Une difficulté consiste à bien distinguer les conditions actuelles du télétravail (TT) contraint, des solutions hybrides qui resteront. Les accords d’entreprise des membres ont le plus souvent fixé le nombre de jours télétravaillés à 2 ou 3. Au-delà de 2 jours, le besoin en surface de bureau est questionné, comme chez Edenred, passé au flex office. Cette dissociation du lieu et de l’exercice du travail permet la libération de nouvelles ressources. Johnson&Johnson va ainsi libérer 40% de sa surface de bureau à Issy- les-Moulineaux ! Elle entraîne aussi des remises en cause très profondes : la possible délocalisation de certains métiers tertiaires avec révision des salaires. Valérie LANGUILLE, DRH Groupe CANAL+, souligne que pour les acteurs internationaux, la délocalisation signifie la gestion mondiale de leurs compétences ainsi qu’un marché mondial des talents. L’organisation du travail semble pouvoir être complètement ré-imaginée. Les DRH placent d’ailleurs la digitalisation des RH en 6ème position sur 12, témoignant ainsi de l’évolution en cours. Les outils digitaux ont été mis en place à marche forcée et leur développement se poursuit, pour répondre aussi à des besoins de process RH, de communication interne, de formation, de moments conviviaux…
2. Mode de management et leadership
Avec l’organisation du travail, l’exercice du management a lui aussi été bouleversé. Les médias rapportent quotidiennement les réflexions sur l’art de manager. Il y est question de confiance et autonomisation versus contrôle et autoritarisme, de biais managériaux à surveiller, de gestion des émotions, les siennes et celles des autres, et surtout d’écoute et de proximité individuelle, celle-ci ayant de nombreux impacts : motivation, performance, appartenance à l’organisation, détection des RPS… Cette dimension humaine individualisée doit être accentuée. S’inspirer en partie du fonctionnement des services commerciaux ne suffit pas. La crise sanitaire a révélé certaines faiblesses managériales et mis en avant les compétences et qualités requises désormais, parmi lesquelles l’intelligence émotionnelle, la capacité à créer du lien. Selon Erwan Le TALLEC, ceci appelle aussi à revoir la valorisation des managers.
3. Recréer le collectif et l’innovation
Le lien social à distance est fragilisé et les managers sont sous pression. Chez PWC, les jours de présence ont été fixés pour permettre aux managers d’en faire des moments collectifs optimisés. Chez Johnson&Johnson, Erwan LE TALLEC recommande de penser les moments de convivialité distanciels d’une équipe, à l’échelle de la semaine ou du mois afin de créer une vraie cohérence. Jacques ADOUE, Vice président Executif RH et RSE EDENRED, questionne : quelle communauté veut-on, appartenance à l’entreprise ou population de free-lances ? Les expériences sont en cours chez les membres RH&M qui tous en soulignent l’enjeu majeur. Les outils digitaux ont permis la continuité de l’activité. Ils soutiendront le collectif après une période d’adaptation. En revanche, ils ne semblent pas encore bien adaptés aux sujets d’innovation.
4. Agilité des organisations
Le choc a été brutal, il a fallu s’adapter vite. Et cela a été fait. Aujourd’hui, nous savons que l’incertitude restera. L’agilité s’impose à toutes les organisations comme un véritable changement culturel. Le 4ème rang obtenu par cet item montre bien cette prise de conscience et le fait que l’évolution des organisations est en cours. Il faudra adapter les compétences et les effectifs au niveau de business post covid-19 dans les 4 à 5 ans à venir, souligne Hervé BLANCHARD, Latécoère. Naviguer dans un univers VUCA (Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu) devient la norme. Voilà une compétence de plus requise pour manager une équipe !
5. Formation des managers
La majorité des managers semble être à un niveau très moyen des nouvelles compétences requises. De nombreux plans d’accompagnement ont été lancés. Certains, comme Babilou, ont une longueur d’avance car la culture managériale était déjà la priorité du binôme formé par Xavier OUVRARD, PDG, et Aurélie LAINE, DRH. Paul-Olivier RAYNAUD-LACROZE, VP Senior RH & Sales Enablement Access Solutions EMEA DORMAKABA, insiste lui, sur le développement de la connaissance de soi. C’est en effet une démarche efficace rapidement pour faire évoluer son style de management et travailler avec l’incertain. D’après le baromètre Malakoff Humanis 2021, les préoccupations des managers rejoignent celles des DRH : faire évoluer les postures managériales dans l’entreprise (33%), repenser le maintien des liens collectifs et maintenir l’esprit d’équipe (31%), faire évoluer en profondeur les modalités d’organisation du travail dans l’entreprise (30%). Seuls 1/3 d’entre eux reconnaissent avoir bénéficié d’un accompagnement dans la mise en œuvre du télétravail !
6. Et les collaborateurs ?
Leur vie a été bouleversée, ils se sont adaptés dans l’urgence. Aujourd’hui, ils se projettent dans l’avenir, cherchant à combiner le meilleur du présentiel et du distanciel. L’expérience collaborateur, en 10ème position du classement, est un sujet qui va grandir. De cette expérience dépendent non seulement l’engagement et la performance, mais aussi la fidélisation, devenue plus sensible avec une organisation atomisée. Étudier les enjeux prioritaires des DRH à travers l’expérience qu’en a le collaborateur conditionne la réussite, dans la durée, des solutions proposées. L’exercice est délicat car vie privée et vie professionnelle s’entrecroisent, notamment au niveau du poste de travail, créant des inégalités nouvelles. L’employeur n’a pas toute latitude pour agir au sein du domicile du collaborateur alors même qu’il doit veiller à la prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS) et risques psychosociaux (RPS) pour respecter son obligation de sécurité.
La raison d’être, un sujet RH
La crise sanitaire a accéléré la prise de conscience de la nécessité pour les entreprises d’appuyer leur activité sur 2 piliers étroitement liés, le développement économique et l’action pour le bien commun. Ce lien, c’est la raison d’être qui l’assure. Elle guide la stratégie.
Dans les échanges, le sujet « transpire » partout. Comme l’exprime Jean-Yves CHAMEYRAT, Stef, « la tâche du management se complexifie. Dans un mode hybride, il devient encore plus difficile de donner du sens ». Que ce soit pour favoriser l’engagement, développer l’empathie dans l’organisation, recréer le sentiment d’appartenance au groupe, donner du sens au travail individuel et collectif, guider les décisions, ou ouvrir le champ des possibles, la raison d’être est là. Pour répondre à ces multiples attentes, elle aura été élaborée collectivement par les collaborateurs et les parties prenantes de l’entreprise. L’humain étant le champ des DRH, ils ont toute leur place dans ces travaux et plus encore dans le déploiement de la raison d’être à tous les niveaux de l’organisation.
Cet article a été publié dans la revue RH&M du mois d’avril 2021, dans la rubrique Tendances RH.
Coach de dirigeants, DRH, Managers, certifié RNCP,
Secrétaire générale The WHY Project.
Sophie Courtant facilite l’action et l’adaptation, vous aide à clarifier vos besoins pour trouver et mettre en place la solution adaptée.